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Le symbolisme astrologique dans les films, dessins animés et jeux vidéos

Cédric Caron

02 décembre 2020

Le mythe fondateur de l’astrologie pourrait être : « Au commencement, il y avait le vide plein des possibles puis le soleil et la lune se séparèrent. De cette séparation, naquirent l’espace et le temps que Mercure investit. »

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Il y a deux ans, j’ai proposé un modèle permettant d’expliquer les planètes par elles-mêmes. A partir de celui-ci, j’ai montré que l’on pouvait envisager les planètes suivant deux perspectives : l’une statique, l’autre dynamique, ce qui mettait en avant les qualités premières de Chaleur et d’Humidité du Masculin et du Féminin, respectivement. Ainsi nous étions légitimés à penser l’opposition du Chaud et de l’Humide en tant qu’axe des qualités premières (avec en corollaire le Froid et le Sec comme qualités dérivées), contre une conception à mon sens mal comprise d’opposition du Chaud au Froid (et donc du Sec à l’Humide en qualités secondaires) principalement véhiculée par l’astrologie médicale et toujours défendue de nos jours par des praticiens d’autres disciplines se référant au modèle des quatre humeurs d’Hippocrate.

Le C est bien opposé au F dans le sens qu’il s’agit d’une seule qualité mise en regard de son épuisement : le F est l’absence de C (même raisonnement avec l’H qui devient S par épuisement). Humide signifie « possibles », Chaleur signifie « énergie ». Opposer le C au F revient donc à définir le féminin par l’absence de masculin, ce qui n’a aucun sens : un principe relève de l’être, ce qui est une positivité. Le C est la qualité du masculin tandis que l’H est celle du féminin. Chacun a ainsi son axe et ils occupent une relation de carré entre eux – en astrologie, ce qui est opposé/complémentaire est traduit dans les termes de l’art par un aspect de carré (en analogie à Mars : lutte pour imposer son principe). L’aspect d’opposition indique une aliénation d’un état (en analogie à Saturne : privation/objectivation par expérience d’un « hors de soi » d’un principe).

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Aristote a proposé un modèle convainquant de la genèse cyclique des quatre éléments en interdépendance qui n’est pas sans rappeler le cycle des cinq éléments de la médecine chinoise. Un regard astrologique permet de pousser son raisonnement plus loin grâce à la loi d’analogie. Le quaternaire évoque à qui pratique l’art d’Uranie la croix des signes cardinaux (cycle annuel) et celle des maisons (cycle nycthéméral). Posons ainsi deux axes : d’une part, celui de l’Eau à l’hiver/minuit (en bas du cercle) et du Feu à l’été/midi et, d’autre part, celui de l’Air/lever à l’est (à gauche de l’observateur en astrologie) et de la Terre/coucher à l’ouest. Nous pouvons voir que ce schème astrologique s’insère parfaitement dans la théorie d’Aristote. Cela dit, je crois qu’il s’est trompé quant à sa conception de la nature des éléments. A imaginer qu’à l’Eau, F & H, succède l’Air par augmentation de la C et de l’H, nous obtenons un Air plus humide que l’Eau ! Absurde. Il faut plutôt voir, suivant une conception astrologique familière au praticien que les solstices sont les deux points extrêmes tandis que les équinoxes sont les deux moments tempérés du cycle annuel. Par analogie, l’Eau et le Feu occupent donc les positions extrêmes, c’est-à-dire le plus F & H pour l’Eau et la concentration maximale en C & S pour le Feu. L’axe Air-Terre est analogue aux équinoxes et, par déduction, offre deux éléments de mélange modéré.

Suivant notre premier raisonnement, l’Eau ne cesse de se réchauffer pour donner la qualité première de C à son point opposé tandis qu’avec le point du Feu s’initie un processus d’humidification constante jusqu’à atteindre saturation d’humidité au point diamétralement opposé, d’où l’état liquide en ce lieu. Cela dit, le C signifie essentiellement énergie/lumière tandis que l’H signifie possibles/espace. Chaleur et humidité comme nous les connaissons (température élevée et état liquide de la matière) ne sont pour chacune qu’une possibilité phénoménale parmi celles que contient l’essence propre de ces deux qualités.

Le schéma de la grande réconciliation

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Tout se tient : l’opposition du C et de l’H, la génération cyclique en interdépendance des éléments, les croix des cycles annuel et nycthéméral, l’activité et la non-activité respectives du dynamique (carrés du schéma) et du statique (cercles du schéma), tout cela forme un réseau de correspondances symétriques qui permet de connaître l’un par l’autre.

Là est la clef : sont en symétrie la qualité 1re du masculin (C) prise dans son référentiel (l’absolu, statique) et la qualité 1re du féminin (H) prise elle aussi dans son référentiel propre (le relatif, dynamique). L’âme de l’astrologie est la symétrie. La difficulté étant d’en savoir l’architecture pour chaque cas de figure : autour d’un centre ? Reproduite à l’identique de l’autre côté d’un axe ? Par comparaison de plans opposés ? Par qualités inverses ? Etc. Suivant cette herméneutique, nous pouvons extraire une grande quantité d’information « logée » dans la structure métaphysique même dont l’astrologie offre un modèle suivant sa symbolique.

On comprend que l’Eau, en analogie avec les mystères, les origines, le féminin, en un mot : l’aspect « profond » qu’est la vacuité, est début et fin du cycle (possibilités et réalisation) tandis que le Feu, en analogie avec l’énergie, la vibration, l’agir-non agissant soit l’aspect « lumineux » qu’est la Claire Lumière (conscience), est le moyen qui brasse l’espace-vacuité et par lequel les possibles passent du potentiel au manifesté.

Le Feu ne « porte » rien puisqu’il est totalement Sec : bien plus que le porteur des possibles, il est ceux-ci en énergie naturante. La Terre n’est pas l’élément le plus sec car 1) il lui faut de l’humidité pour servir de support de manifestation (d’où ce que le Taureau est le signe de la nature heureuse et abondante dans lequel Luna est exaltée et que le Capricorne, où Luna est en détriment et Mars déchaîné, est le signe le plus sec : celui qui épuise les possibles par réalisation/empêche celle-ci en raison de sa sécheresse et le plus froid : le mouvement y trouve sa fin) et 2) une fois les possibles épuisé (Sec), ceux-ci servent d’humus (H : des possibles) pour le cycle suivant qui déploiera ses possibles propres. C’est le F (comprendre : l’absence de C) qui annonce le retour des possibles par un nouveau cycle.

L’Air et la Terre posent question : comment se fait-il qu’ils soient différents alors qu’ils occupent les positions médianes, symétriquement tempérées ? Pourrait-on les intervertir ? Ou pourrait-on les croire identiques ? Ce qui les distingue est leur télégénie. L’Air va vers le Feu : il s’échauffe (énergie comme rayonnement de la conscience) tandis que la Terre cède à l’Eau : elle se refroidit (perte du mouvement et obscuration de la conscience en raison de la densité). Ces deux éléments sont toutefois bien ceux du relatif et forment un spectre allant du plus subtil (Air) au plus dense (Terre) qu’il faut équilibrer en une mixture tempérée. Au contraire de l’Eau et du Feu, éléments de l’absolu, qui forment deux pôles distincts à réunir en une unité tout en conservant leur intégrité propre par le tour d’esprit du paradoxe et la volonté de vivre en conscience totale.

Ce qui pourrait surprendre est que la Terre est légèrement humide vu que cette qualité augmente dès que le cycle dépasse le point Feu. Il y a ici un mouvement inverse entre le cycle nycthéméral et celui de l’année (en correspondance avec les mouvements inverses des planètes dans les maisons et dans les signes) : l’humidité augmente à la tombée du jour (analogue à l’automne) alors que c’est au printemps (analogue au lever du jour) que l’humidité ambiante augmente. On retrouve la notion d’inversion aux points médians (équinoxes, horizon, Air-Terre) qui est une caractéristique de Mercure, le principe du relatif dont une des caractéristiques est d’osciller entre ses tendances contraires, lorsqu’on passe des conceptions occidentales aux orientales.

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Le vajra double (symbole de l’activité des êtres éveillés) illustre cette double réalité dynamique (les trois courants au centre) et statique (les 4 directions [5 en réalité puisque le centre y est comptabilisé] à l’extérieur). Remarquez que les couleurs et leurs orientations correspondent à nos éléments. Et même davantage puisque l’Air est représenté par le vert tandis que la Terre l’est par le jaune dans la culture tibétaine : l’Air se trouve à droite et la Terre à gauche. C’est donc un schéma annuel et non nycthéméral. Le Feu et l’Eau rendus par le rouge en position supérieure et le bleu en position inférieures vont de soi.
Le centre, dont la place est occupée par Vajrasattva ou Vajradhara (selon la lignée) est un enseignement en soi : le premier est blanc [la lumière], le second est bleu marine (pour représenter l’océan – c’est-à-dire bleu par phénoménalité mais noir [l’avant la lumière] dans son essence). Le blanc figure la manifestation manifestante tandis que le noir représente le non-manifesté. Le centre est le lieu de la réunion du relatif (Mercure double) et de l’absolu (Sol-Luna), le témoignage de l’inséparabilité du samsara et du nirvana, où horizontalité et verticalité sont indissociés.

C et F « s’opposent en leurs propres palais » car dans le schéma statique comme dans le dynamique cette opposition est présente : dans le relatif, le C s’oppose au F et le S s’oppose à l’H. De même dans l’absolu. C’est en mettant en regard les deux schémas que se révèle la nature de leur relation : le C de l’absolu s’oppose à l’H du relatif tandis que le C du relatif est en conjonction avec l’H de l’absolu. Les mêmes qualités premières (donc la réalité) sont tantôt ensemble (le « même »), tantôt séparés (le « différent »). On voit donc qu’il s’agit d’une réalité une en essence (C & H) mais double en apparence (tantôt ensemble, tantôt séparée).

Les planètes ne sont pas en reste et s’intègrent également à ce réseau de la grande réconciliation.

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Sol et Luna se sont donc séparés, ouvrant l’espace et le temps que Mercure investit. Ces trois astres sont les fondamentaux. Ils forment deux axes : celui de l’absolu (luminaires) et du relatif (Mercure, l’astre double). Ces « quatre » (Mercure double) fondamentaux sont reproduits dans le relatif par quatre astres, les élémentaux, dont les combinaisons de qualités sont corrélées à celles des fondamentaux : Sol et Mars sont C & S, Luna et Vénus sont F & H, Mercure (par nature) et Jupiter sont C & H, Mercure (dans son activité) et Saturne sont F & S. Nous voyons que les planètes s’insèrent à la perfection dans le schéma statique. Les élémentaux ne sont pas en correspondance avec les fondamentaux, il s’agit d’une reproduction de structure avec ressemblance de nature ou d’effet : si les qualités sont les mêmes les vertus ne le sont pas.

Dans un premier temps, voyons l’ordre du cycle élémental (débutant avec Vénus-Eau-féminin), le cycle Vénus > Jupiter > Mars > Saturne du planétaire que j’ai présenté : il correspond au cycle de génération en interdépendance des éléments. Ce qui apparaît est que les astres (qui ne sont pas les maîtres de signes mais les agents de ceux-ci en raison du principe métaphysique exposé par René Guénon que « Ce qui peut le plus peut le moins mais l’inverse n’est pas vrai ») ont également un tempérament dynamique : Vénus se dirige vers l’Air et est donc dynamiquement sanguine, Jupiter va vers le Feu et est donc dynamiquement cholérique, Mars est en route vers la Terre et génère donc la mélancholie et finalement Saturne est dans un processus de transformation vers l’Eau, ce qui la rend dynamiquement phlegmatique. Il s’agit d’un cycle donc de nature féminine (construit à partir de sa propre substance et s’entretenant par répétition).

Le schéma met ainsi en lumière quelques étrangetés qui apparaissent dans les textes et met en lumière certains phénomènes évidents corrélés à ces astres que l’esprit est prompt à ignorer en raison d’une absence de modèle théorique permettant de valider ces expériences. Vénus correspond au sucre, lui-même analogue aux plaisirs et au relationnel, phénomène et attitudes corrélées à l’humeur sanguine. Jupiter est une énergie qui tend à accomplir la « volonté du Ciel », suivant l’expression daoïste, qui traite les êtres comme « chien de paille », c’est-à-dire sans ménagement en fonction de son but : la corrélation avec la cholère (bile jaune) est évidente. Mars n’agit que dans un contexte physique (c’est Sol qui est le Feu sans contingence) : il œuvre à réaliser dans le concret, d’où la relation avec l’humeur mélancholique. Enfin, et c’est ce qui en surprendra plus d’un : Saturne est bel et bien analogue au phlegme : nombreux sont les auteurs de la tradition qui listent Saturne comme significateur de naufrages, de problèmes d’humidité et de maladies phlegmatiques (Agrippa parle même de « cholère [ici, bile noire] qui est humide »[i]) sans que l’on puisse en saisir la raison à l’aide du référentiel que nous fournit la tradition astrologique. Nous voyons donc que cette herméneutique des symétries suivant laquelle nous pouvons formuler de nombreux modèles en correspondance claire entre eux est bien révélatrice de structures métaphysiques que l’on peut contempler par l’entremise des phénomènes, ceux-ci ayant l’avantage d’être accessibles à la perception.

Nous pouvons ainsi réconcilier la pensée de Ptolémée, qui classa Vénus comme planète C & H, avec la tradition dans sa quasi-totalité qui la présente comme astre F & H. Le modèle de la grande réconciliation permet de comprendre que les deux regards différents posés sur la belle planète sont vrais.

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Dans un second temps, reprenons les élémentaux à partir du schéma du planétaire (débutant avec Mars-Feu-masculin). Nous avions vu que la séquence suivait le fil des exaltations et que Jupiter était la planète qui empêchait le cycle de se refermer sur lui-même. Cela a un sens : il s’agit de l’aspect masculin des élémentaux : c’est en réalité une séquence, soit une ligne droite (avancée : masculin).

En synthèse, le cycle (féminin) et la ligne droite (masculin) se combinent : le masculin pilote les possibles féminins pour donner une progression en spirale (de la même manière que notre étoile n’est pas stationnaire : elle évolue dans l’espace avec son cortège de planètes tournant autour d’elle offrant à l’imaginaire des mouvements en spirale en giration autour d’une directrice lumineuse). Tant que l’esprit qui génère les possibles du cycle n’a pas été recueilli il y a répétition d’un cycle. Une fois la réintégration célébrée, c’est la sortie de ce cycle particulier par le haut qui conduit à entrer dans un nouveau cycle plus subtil.

Nous pouvons conclure qu’éléments et planètes sont les deux faces de la même pièce : féminine pour la première et masculine pour la seconde. Cette configuration fait ressortir la dualité, ce qui est un indice supplémentaire que les planètes sont corrélées au principe qu’est Mercure : elles sont les intermédiaires entre les éléments et présentent deux qualités : l’une passive (qualités intrinsèques) et l’autre active.

Les processus de détermination du tempérament légués par la tradition se révèlent insatisfaisantes quelles que soient les moutures à peine remaniées des différentes « autorités ». Les auteurs modernes Anglo-Saxons dont l’idéologie s’est imposée en norme ont fait pire encore ce qui a eu pour conséquence qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ne savent pas ce qu’est le tempérament. J’espère que ce regard nouveau sur le tempérament fournira une base à explorer pour un jour pouvoir établir une méthode fiable de corrélation de la théorie d’Hippocrate avec le thème natal.

 

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[i] Agrippa (Cornelius), Les trois livres de la philosophie occulte ou magie, livre 1, ch. xxv.