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L'ASTROLOGIE ET L'AME DES RELATIONS

Eric Panichi

03 août 2020

L’astrologie et l’âme des relations (1)

Par Eric Panichi – Bruxelles

Cet article rassemble certaines hypothèses relatives aux relations humaines, que j’ai trouvées utiles à ma pratique astrologique. La plupart sont confirmées par les traditions ésotériques ou initiatiques, par la psychologie archétypale 2 ou tout simplement par la démarche artistique ou poétique. Il ne s’agit absolument pas d’une contribution « scientifique » à l’astrologie. J’estime d’ailleurs que l’exercice astrologique relève davantage de l’art, et ceci suffit à souligner la part de rigueur et, en même temps, de sensibilité intuitive nécessaires à sa pratique.

L’hypothèse de base, dont on réservera la démonstration à des travaux ultérieurs, est que les aspects les plus étroits, voire même exacts, en synastrie sont les vecteurs qui mettent en image l’âme de la relation. On pourra dire selon le jargon astrologique qu’ils « signifient » l’âme de la relation.

Qu’entend-on par « âme de la relation » ?

Aussi commun que puisse paraître le terme « âme », vu la fréquence de son utilisation, sa définition n’en est pas pour autant évidente. Le Littré ne propose pas moins de dix entrées pour comprendre ce mot. Elles évoquent pour la plupart des idées de mouvement et de vie. Ce mot constitue bon nombre d’expressions familières très éloquentes (corps et âme, avoir de l’âme, âme en peine, vague à l’âme, manquer d’âme, etc.), et se réfère souvent à un principe immatériel, subtil.

Sans pouvoir les développer faute d’espace, mentionnons simplement ici deux approches utiles à notre propos. La première issue de l’Hermétisme, et la seconde élaborée par James Hillman.

1. L’Hermétisme dès ses débuts (2) (3) fait largement usage de l’astrologie pour sa valeur à la fois pratique et symbolique. Intégrée depuis l’Antiquité au sein des modèles de représentation du monde, on la retrouve chez Marsile Ficin mêlée au Néoplatonisme dont elle contribue à clarifier et appuyer certaines thèses sur l’immortalité de l’âme et de son destin. C’est l’adage si bien connu et trop souvent invoqué « Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas (et vice versa) » issu de la fameuse Table d’Emeraude qui confirmera sans doute de l’astrologie un art d’Hermès. Ce qu’il faudra comprendre, c’est que c’est par la médiation de l’âme que l’Hermétisme explique le déterminisme astral. L’âme est ici conçue comme un facteur médian, un agent moteur intermédiaire entre l’esprit et le corps (Psyché est médiatrice entre Nous et Soma). Dans ce contexte hermétique, l’âme est à la fois une entité indépendante dotée de mouvement, et, en même temps, issue d’une entité plus large, l’Ame du Monde, ainsi que participant des nécessités du corps et de la liberté de l’esprit. On comprendra donc que dans les écrits hermético-philosophiques, elle soit le lieu d’une joie (par son union à l’esprit) tout autant que d’une souffrance (par son lien avec les vicissitudes du corps). Bien qu’étant en soi un facteur unique, elle se complexifie en strates et catégories. L’âme humaine étant principalement l’agent de médiation entre le monde et le divin, il y a néanmoins « de l’âme » dans les choses et les créatures, à des degrés divers, comme l’ont pressenti d’une façon un peu différente les Romantiques. 

2. James Hillman, par ailleurs, fera de l’âme l’objet fondamental de sa psychologie archétypale, en assumant toute l’ambiguïté du terme, ambiguïté partagée par des termes tels que « nature », « énergie », « vie », et « santé ».

Ame n’est pas un terme scientifique, et il apparaît rarement en psychologie de nos jours; si on le rencontre, c’est généralement entre guillemets, comme pour empêcher qu’il contamine son environnement scientifiquement stérilisé (…). Le sens ressort surtout du contexte… Et selon la métaphore fondamentale de la conception analytique, le comportement humain est compréhensible parce qu’il possède un sens intérieur. Ce dernier est éprouvé et expérimenté (c’est moi qui souligne). (…) Les langages “primitifs” possèdent souvent des concepts élaborés concernant les principes animés que les ethnologues ont traduits par “âme”. Pour ces peuples, l’âme est une notion hautement différenciée se référant à une réalité qui possède un grand impact. On imagina l’âme comme un homme intérieur, une soeur ou une épouse intérieure, le lieu ou la voix intérieure de Dieu, comme une force cosmique de laquelle participent tous les êtres vivants, comme donnée par Dieu, comme conscience et multiplicité… On peut
être en quête de son âme et celle-ci peut être mise à l’épreuve. Dans certaines paraboles, l’âme est possédée par le Diable ou vendue à celui-ci (…) Le développement de l’âme (…), les pérégrinations de l’âme (…), la quête de l’âme mènent toujours dans les profondeurs (…) L’étude de ce mot montre qu’il ne s’agit pas d’un concept mais d’un symbole. Les symboles, on le sait, ne sont pas entièrement soumis à notre contrôle, si bien qu’on ne peut utiliser ce terme sans ambiguïtés, même si nous l’utilisons en référence à ce mystérieux facteur humain qui rend le sens possible, transforme les événements en expériences vécues, se communique dans l’amour et offre un aspect religieux.” (9)
Pour notre travail, retenons simplement que l’âme constitue un espace intermédiaire relativement autonome, caractérisé surtout par sa qualité. Puisqu’elle est un symbole, nous y accédons surtout par l’image. Supposons qu’elle soit l’objet principal d’étude de l’astrologie dont les outils privilégiés sont précisément l’image et le symbole.
Ceci dit, qu’est-ce que l’âme d’une relation ? En soulevant cette question, nous aborderons ce qu’il pourrait y avoir de spécifique à notre recherche, puisque d’habitude l’âme est considérée comme un facteur individuel relatif à l’humain. Comment une relation pourrait-elle avoir une âme ?
Il faudrait pour cela considérer la relation comme une entité en soi, et comprendre qu’elle est plus que l’addition de deux individus. Elle génère souvent des dynamismes qui vont au-delà de l’amalgame des forces des protagonistes. Que cette entité soit considérée comme engendrée par les humains en relation ou comme un facteur les
transcendant, elle s’impose néanmoins comme un tiers contraignant ou facilitant. L’âme de la relation nous dicte son rythme, son destin ; elle a ses amis qui sont les amis du couple et non pas les amis de l’un des deux partenaires ; elle permet chez les uns l’épanouissement de certaines qualités, et l’inhibition d’autres ; elle a comme une durée
de vie avec ses cycles et ses climats. Si une simple logique nous invite à imaginer que nous la construisons, nous devons souvent constater qu’en retour elle nous façonne.
Est-elle le processus relationnel lui-même? Peut-être, mais elle semble relever plus de l’organique que de la mécanique. Est-ce l’ensemble des qualités relationnelles de cette relation-là spécifiquement, la distinguant des autres ? Est-ce un espace intermédiaire autonome, avec lequel nous interférons et qui nous agit ? Est-ce simplement
l’inconscient de la relation ? Est-ce le lien lui-même conçu comme une réalité vivante et autonome ?
Dans notre représentation, nous attribuons souvent à l’autre ce que nous devrions plutôt attribuer à l’âme d’une relation. Pourtant, à côté des destins répétitifs que nous vivons de relation en relation, il y a bien des ressentis et des expériences que nous ne vivons que dans certains espaces relationnels et pas d’autres. Cette âme de la relation
nous fait parfois vivre le meilleur et le pire, nous entraîne et nous malmène. On ne la liquide pas facilement en cas de rupture.
Soit, me direz-vous,… Ce sont des nuances et des distinctions de poète ! Elles paraîtront évidentes et lumineuses aux uns et abstraites ou compliquées aux autres. Mais il faudra admettre que la façon dont nous voyons les choses conditionne largement la manière dont nous allons les vivre, et surtout le bonheur ou la souffrance qui en résulteront. Par conséquent, quelques petites corrections sur le plan de l’imagination entraînent parfois des changements plus subtils mais plus durables que les attitudes volontaristes visant à forcer les événements pour les adapter à notre désir.
En quoi est-ce une idée utile à l’astrologue ?


Le terrain principal de la consultation astrologique est l’humain. Les demandes reçues traitent très souvent des relations. Il n’est pas propre à notre monde que le lien soit souvent la cause d’une souffrance aiguë, cependant il semble caractéristique de notre société d’être le théâtre d’une mutation profonde des modèles relationnels. (10). Il se
trouve que l’astrologie est porteuse, par l’image, de modèles relationnels bien plus variés et plus riches que ceux que produit notre culture, et que la mise en image de ces modèles est susceptible d’aider le consultant de diverses façons (voir plus bas).
Par ailleurs, face aux situations relationnelles rapportées en consultation, l’astrologue, à l’aide d’un certain recul, aura souvent l’impression de se promener entre la tragédie d’inspiration wagnérienne et le vaudeville le plus banal. La compatibilité et le bonheur d’être ensemble ne suffisent pas toujours à rendre compte du sens d’une relation pour
ceux que l’angoisse tenaille quand vient l’inévitable saison des épreuves. Rendu perplexe par l’intensité des vécus tout autant que par la persistance de certains liens et leur cortège de fantasmes, bonheurs fous ou souffrances absurdes, le praticien sera forcé de constater que la relation est souvent le lieu d’un mystère insondable. D’en clarifier le sens d’une façon systématique en expliquant la dynamique astrale d’un thème à l’autre
ne suffira qu’à donner une vision trop mécanique et même assez fatale du vécu relationnel. Utile parce qu’elle force à une certaine humilité, comme les explications biologiques que fournissent les neurosciences, cette vision de la relation ne nous permet cependant pas vraiment d’accéder au sens, qui est pourtant l’une des exigences
fondamentales de la psyché.
Les synastries

                                           
A noter que … l’astrologie est elle-même un art de la relation ! Quand elle s’intéresse à l’âme des relations, elle se penche sur l’objet qui la ramène à son identité. Les images astrales qui caractérisent nos destins individuels puisent à la matière astrologique universelle ; nous les partageons avec d’autres, nés avant ou après nous ou encore à
naître. Tous les thèmes résonnant aux mêmes configurations sont ainsi étroitement liés, comportant certaines similitudes et en même temps certaines différences essentiellesqui constituent l’individualité de chacun. L’astrologie est donc cet art de l’image qui montre aussi la relation entre notre vie et celle des autres, nous forçant à admettre la
ressemblance et/ou nous poussant à affirmer notre originalité pour exister en tant qu’individu. Il échoit donc à l’astrologue d’être le médiateur inspiré qui soulignera les similitudes et les différences avec pertinence pour favoriser la tolérance ou l’acceptation, tout en stimulant le courage de l’affirmation de soi. Ces résultats
dépendront largement de sa qualité d’être et de la façon dont il s’investit dans la relation astrologique.
Ainsi en synastrie, les similitudes et les différences vont être inventoriées pour faire apparaître les contrastes. Mais ce seront surtout les points de contact entre les thèmes qui donneront une image assez nette des expériences spécifiques vécues dans cette relation analysée. Nous supposons que ce sont ces points particuliers qui viennent
alimenter l’image que nous pouvons nous faire de l’âme de la relation.

D’emblée trois niveaux semblent apparaître dans la démarche de synastrie :

1. Le niveau des accords élémentaires ou niveau astro-chimique


Les dominantes individuelles du tempérament, exprimées en éléments et qualités (feu, terre, air et eau ; chaud-sec, humide-froid) sont évaluées, puis mises en comparaison d’un thème à l’autre afin d’expliquer les attractions et les répulsions. On étudie avec soin comment un thème vient compléter l’autre et l’on observe qu’il arrive qu’un ou deux
éléments soient manquants ou plus faibles dans une relation. On en tire alors certaines conclusions.
Cette méthode est loin de faire l’unanimité car elle pose la question de la technique permettant d’évaluer le tempérament, débat dans lequel nous n’entrerons pas puisqu’il ne s’agit pas là de la méthode servant à illustrer notre propos. Soulignons simplement qu’il est dommage que nous n’ayons pas bien compris la tradition à ce sujet, et que nous nous en soyons éloignés. Sans entrer dans le détail, nous nous permettons cependant certains doutes à propos de la méthode qui consiste à additionner dans quatre colonnes les facteurs planétaires selon la qualité élémentaire de leur position en signe… Plusieurs chercheurs se sont déjà exprimés sur ce sujet, nous ne souhaitons pas entretenir le
débat.
Considérée de ce point de vue, la relation astrologique se rapproche de la fabrication de la soupe. Il y est suggéré que ce sont les ingrédients élémentaires qui la constituent, et qu’il y a des mélanges plus ou moins heureux et réussis.
Maniée avec soin et prudence, cette méthode révélera les accords ou désaccords des tendances naturelles de nos âmes. Cependant, l’expérience montre que beaucoup de relations se construisent malgré tout avec des dominantes élémentaires antagonistes, et que l’on n’en saisit pas le sens en annonçant que « la sauce n’a pas pris », où que l’on ne mélange pas facilement de l’huile avec de l’eau.

2. Le niveau mécanique ou niveau des fonctionnements


C’est la méthode la plus communément appliquée. Elle rend souvent compte avec beaucoup de précision des fonctionnements et comportements de l’un par rapport à l’autre dans le contexte de la relation. Elle consiste essentiellement à superposer les deux thèmes et à observer les aspects allant de l’un à l’autre. Selon l’orbe, ces aspects peuvent être plus ou moins nombreux. La difficulté majeure tient au fait d’avoir à hiérarchiser les facteurs pour ne pas avoir à dire tout et n’importe quoi. Reste à déterminer les règles qui permettent de hiérarchiser car on ne saurait confier cette mission au « ressenti » a priori de l’astrologue. D’une part les planètes de l’un sont positionnées dans les maisons de l’autre et certaines déductions sont tirées. D’autre part, les planètes de l’un aspectent les planètes de l’autre, et l’astrologue se livre à la construction patiente d’une rhétorique du « qui fait quoi à qui
ou à quoi ». Ainsi par exemple, tel Saturne d’un thème fera tel carré à telle Lune de l’autre thème, aspect réputé frustrant. L’analyse des significations exactes et contextualisées dans le thème astral de chaque significateur permettra de savoir quel élément de la personne, ou de son destin, fait obstacle ou favorise quel autre élément de
la vie de son partenaire, par le truchement des aspects. On retient pour chaque planète les significations naturelles et accidentelles.
Cette méthode très intéressante donnera pourtant une vision assez mécaniste de la relation, et permettra de croire qu’il suffit de rectifier certains comportements pour que se règlent certains problèmes, ce qui n’est que partiellement juste. Elle laissera la plupart du temps un sentiment de culpabilité latente, amenant des conclusions du genre :

« Puisque TON Saturne marche sur les plates-bandes de MA Lune, notre relation est vouée à l’échec,… à moins que tu ne changes ? » Cependant, elle aura ceci d’intéressant qu’elle ramènera chacun à son propre thème et à son propre destin au-delà de la relation, essentiellement perçue dans ce cadre comme une interaction3.

L’espace manque ici pour donner à ces deux approches les développements qu’elles méritent. Elles apportent chacune une vision bien particulière de nos relations, et il ne saurait être question d’affirmer qu’une méthode vaut mieux qu’une autre, mais d’attirer l’attention sur le fait que la logique qui sous-tend la méthode va de pair avec une
perception différente des enjeux relationnels.

3. Niveau du sens ou de l’âme de la relation


Dans cette approche, il faudra considérer que la relation en elle-même est une entité vivante et organique, relativement autonome. Elle a sa propre qualité, sa propre âme, et par conséquent son propre destin. C’est un troisième qui nous unit, et c’est cela qui fait sens. Lorsque nous traversons les inévitables problèmes relationnels, nous aurons à considérer les interférences de nos difficultés avec la vie de l’autre mais aussi et surtout, le déterminisme de ce troisième qui nous unit. A chaque fois que je présente cette approche aux personnes qui viennent déposer en consultation leurs problèmes relationnels, elle produit un changement de perspective. Elle ne garantit pas forcément le maintien de la relation mais elle donne du sens. Elle ne nous dispense pas de revenir à
nos propres vies pour en assumer la responsabilité, mais elle nous fait souvent abdiquer de la volonté de contrôle sur l’autre. Elle n’enlève pas forcément la souffrance, mais elle réduit souvent les culpabilités maladives qui empêchent les changements par l’apitoiement sur soi-même. Souvent les partenaires apprennent à créer un espace pour
la relation en elle-même en marge de leur intérêt personnel et ceci stimule une certaine créativité.
La technique principale d’une telle approche me semble être celle des aspects exacts, c’est en tous les cas mon hypothèse de travail depuis plusieurs années de pratique quotidienne. En faisant ce choix, j’ai bien conscience de m’éloigner de l’astrologie traditionnelle pour laquelle l’orbe est calculé selon les planètes et pas selon l’aspect lui-même (point de vue initié par Alan Leo). Mais ces deux approches ne me paraissent pas contradictoires sur le terrain pratique de l’expérience. Il est simplement dommage que nous n’ayons pas pris le temps de distinguer notre vocabulaire afin de ne pas confondre les réalités différentes qu’un même terme recouvre. 4
L’expérience m’a appris qu’un tel aspect exact en astrologie natale, ou dans les thèmes d’événements, attire l’attention sur des images importantes, suivant ainsi ce que Gouiran et Mercier avaient déjà suggéré dans leur livre « Astrologie des trajectoires de vie » (4) :
“En vérité un aspect plus ou moins exact n’est pas un aspect plus ou moins fort ; car il y a des sortes de
mini aspects à l’intérieur des orbes et l’aspect exact, bien qu’étant le plus significatif et jouant fortement sur
l’imagerie du destin envisagé,…”
Au chapitre IV du même livre, les auteurs précisent par ailleurs que selon leur pratique les aspects « exactissimes » devraient être envisagés comme des transmissions filiales des parents aux enfants.
Nous appelons contact magnétique la superposition en conjonction (ou tout autre aspect fort) entre deux
significateurs de relations car de telles figures assurent une attirance irrépressible si elles se font avec une
exactitude meilleure que 1° d’arc.”
Cependant, dans l’interprétation, nous négligerons les déductions découlant de la phase croissante ou décroissante, appliquante ou séparante de l’aspect. En effet, cette idée est sans valeur ici puisque nous n’observons pas les aspects dans le contexte d’un cycle particulier mais en comparant les thèmes. Les aspects sont plutôt considérés dans notre
cas comme des points de contact, par conséquent, la nature de l’aspect devient secondaire, quoique digne d’intérêt. L’espace nous manque ici pour développer cette idée.

L’essentiel de la première partie de la démarche consistera donc à constituer une liste des paires planétaires impliquées dans des aspects exacts, ou dont l’orbe est inférieur à 1°. Il convient cependant de relativiser cette règle. J’ai choisi d’élargir l’orbe à 1°30 ou même 2° lorsqu’il n’y a pas d’aspect exact.
A noter que cette approche est qualitative et non quantitative. Par conséquent, la relation ne me paraît pas forcément plus ou moins forte ou plus ou moins importante lorsqu’il y a beaucoup d’aspects. Le portrait de l’âme de la relation est tout simplement plus nuancé ou complexe à dresser. L’application de la méthode d’inventaire des aspects exacts à moins d’un degré aboutit à la constitution d’une liste de paires planétaires souvent assez limitée. Il est tout à fait du
ressort du praticien de construire son interprétation sur les images de ces combinaisons planétaires, en s’appuyant sur les significations classiques des facteurs planétaires. On pourra même s’inspirer des listes de mi-points habituelles pour amplifier l’interprétation. Je donnerai en fin de cet article quelques exemples issus de mes
observations. La difficulté essentielle ne tient pas forcément en l’application de la technique mais dans
l’aptitude à rendre compte des images de cette âme relationnelle. Cependant, cette difficulté vaut pour tous les arts de l’interprétation basés sur l’image, et l’astrologie n’échappe pas à cette règle. Celle que l’on rencontre ici est un peu plus exigeante car elle demande une double adaptation au langage des deux protagonistes. La capacité à
évoquer d’une façon inspirée, et au bon moment, les images planétaires est l’affaire de l’astrologue depuis longtemps, et rapproche son art d’une démarche divinatoire. De là à croire que l’astrologie est une divination, il y a un pas que nous ne devrions pas franchir.
Sans avoir à développer ici ce sujet, nous avons toujours préféré situer l’interprétation entre une démarche rigoureuse s’appuyant sur une connaissance précise de la tradition et de ses logiques d’une part, et d’autre part sur une contemplation intuitive des symboles.
C’est pourtant bien une mise en image efficace qu’il faudrait viser car cette dernière démarche permettra souvent d’éclairer celui qui consulte. Témoin ce qu’évoque Hillman sur l’image dans l’approche archétypale :
« Car l’image permet de voir les grands archétypes et les mythes à l’oeuvre dans les sentiments si divers qu’on éprouve. Et ces sentiments nous apparaissent alors comme une sorte de qualité inhérente à l’image et perdent leur caractère obsessif. L’image nous donne une mise en scène du sentiment. Elle nous libère de l’obsession ; lorsqu’elle change, le sentiment se transforme également. Malheureusement, la plupart des théories psychologiques mettent toujours l’accent sur le sentiment et le réduisent aux relations oedipiennes ou sexuelles au lieu de le détailler en images et de le relier aux mythes. » (6).
Cependant, ne réduisons pas l’astrologie à la psychologie ! Ce serait dommage et inutile pour l’une comme pour l’autre. L’art d’Uranie est porteur d’une vision bien spécifique de la psyché, s’enracinant dans une pratique en même temps que dans une tradition. C’est probablement l’un des systèmes de psychologie les plus anciens d’Occident, et on
gagnera beaucoup à ne pas l’assimiler à la psychanalyse, même si certaines passerelles sont intéressantes à  développer. Si l’on veut sortir du contexte spécifique de la psychologie, disons simplement que les images des archétypes sont, en fait, pour nous, les destins. Dans nos analyses et recherches, ceux-ci se montrent sous la forme de configurations astrales, tout autant en images qu’en expériences vécues dans le réel. Il est d’ailleurs du ressort de notre art de montrer l’articulation bien concrète qu’il peut y avoir entre ces deux niveaux.
Lorsque la liste des couples planétaires est constituée, l’interprétation se construit, mais puisqu’il ne s’agit pas de mettre l’accent sur les interactions entre les partenaires, et plutôt sur la qualité de la relation, on ne construira pas l’interprétation sur la position des astres impliqués dans chaque thème. Par exemple, on aura isolé que dans telle
synastrie, il existe un aspect Vénus/Lune exact. Il suffira d’évoquer les images de ce couple planétaire sans avoir à expliquer que c’est la Vénus de tel thème faisant un carré ou un trigone à la Lune de tel autre thème. On dira simplement que l’âme de la relation est plutôt émotionnelle et affective, qu’elle tend à faire fusionner les partenaires dans l’intimité à des fins de sécurité ou d’hédonisme, les partenaires étant unis par un idéal de qualité de vie, d’esthétique ou de beauté.
Autrement dit : une fois identifié l’aspect exact, on ne retiendra que la combinaison planétaire elle-même, indépendamment de la position des planètes dans les deux thèmes et de la nature de l’aspect. On cesse de relier chacune des deux planètes au thème auquel elle appartient (comme en analyse natale), pour se focaliser uniquement
sur les images symboliques de la combinaison des deux facteurs impliqués, considérés comme illustrant l’âme de la relation elle-même.

Exemples

L’analyse des couples mythiques devrait nous fournir des éléments utiles à la compréhension de notre démarche puisqu’ils sont généralement fort investis par l’imaginaire collectif.

Ainsi dans le couple Simone Signoret / Yves Montand, la Lune de Signoret forme un trigone quasi exact au Soleil de Montand. On considérera donc que le couple archétypique Soleil/Lune constitue la relation, et ceci indépendamment du fait qu’il s’agit de la Lune de Signoret et du Soleil de Montand. Bien entendu, dans une approche basée sur les fonctionnements, il s’agira d’en tenir compte, mais ce que nous cherchons ici est d’accéder à l’âme de la relation et pas au fonctionnement des partenaires. Dans le même ordre d’idée, on relèvera :

Saturne Conjoint Vénus
Jupiter Conjoint Mars
Soleil Opposé Jupiter

Notre liste sera donc : Soleil/Lune, Saturne/Vénus, Jupiter/Mars, Soleil/Jupiter, pour laquelle on pourra proposer une interprétation : une relation dans laquelle les rôles sont bien polarisés et répartis, installée dans la durée et fondée sur un engagement, impliquée dans des oeuvres communes et orientée vers un projet collectif, social. Le
reste est affaire de formulation et de rhétorique. Nous ne voulons que montrer le principe en proposant au lecteur de l’appliquer pour le tester.
Les paires planétaires de la relation montreront souvent comment le couple est perçu par le groupe, la famille, l’entité collective, et comment il s’insère à ces niveaux là.
Avant d’ajouter quelques exemples, proposons quelques éléments d’interprétation :
Si on se limite aux planètes rapides et personnelles, trois catégories de rencontres se distinguent :

1. Les combinaisons de planètes féminines : Lune/Vénus, Lune/Lune ou Vénus/Vénus. Elles supposent une âme fusionnelle.
La relation a la qualité de l’émotion et du sentiment grâce auxquels les partenaires ont l’impression de se connaître depuis longtemps, d’être de la même famille, de se sentir comme des âmes soeurs. Une certaine intimité a priori semble vivre entre eux.
2. Les combinaisons de planètes masculines : Soleil/Mars, Soleil/Soleil, Mars/Mars.
La relation a la qualité du tandem, productif ou confrontant, visant une oeuvre fondée sur une collaboration. L’âme se nourrit d’une certaine rivalité des partenaires pouvant évoluer vers une complémentarité productive.
3. Les combinaisons mixtes : Soleil/Lune, Mars/Vénus, Soleil/Vénus, Mars/Lune.
L’âme de la relation semble sexuée de façon à ce que les rôles et les polarités soient bien répartis, avec pour modèle les amants, les parents, les amoureux, à des degrés d’intensité et des orientations très divers selon la nature des astres impliqués.

Mercure est un facteur relationnel particulièrement liant qui engage souvent l’âme de la relation vers la recherche du sens, la spiritualité, les voyages.
· Mercure/Lune, la paire adolescente, à la découverte du monde, âme poétique.
· Mercure/Vénus, en recherche du goût, de l’art de vivre ou de l’esthétique, à la recherche de raffinement, de culture.
· Mercure/Mars, les complices, pour le meilleur comme pour le pire, les larrons.
· Mercure/Soleil, la relation au service d’autrui, la recherche d’un certain ordre.
· Mercure/ Jupiter, la quête du sens, l’âme voyageuse.
· Mercure /Saturne, chercher et découvrir ensemble.

Jupiter suffira souvent à évoquer une dynamique de projet :
· Jupiter/Soleil, relation s’inscrivant dans le réseau d’amis, dans la société, les bienfaiteurs.
· Jupiter/Lune, se nourrir mutuellement pour se sécuriser et adopter des enfants.
· Jupiter/Vénus, un idéal relationnel impliquant l’idéal, le sacré, ou simplement : « Le bonheur est dans le pré ».
· Jupiter/Mars, investissement conjoint dans une ambition, un travail, un projet social.

Quant à Saturne, on le trouvera auprès des âmes profondes et sérieuses, dans des processus relationnels qui impliquent la durée, la maturation, mais aussi l’épreuve à assumer ensemble, ainsi :
· Saturne/Soleil ou Lune, « reparentage » mutuel, réciproque.
· Saturne/Vénus, un sentiment pour la vie, unis par l’amour de la sagesse, don de la relation aux  autres, aux enfants.
· Saturne/Mars, engagement militant pour autant qu’il y ait un ennemi à vaincre, âme infernale supposant parfois une mise à l’épreuve de l’un et l’autre dans l’effort pour « être ensemble ».

Cette liste est réduite et volontairement non exhaustive. A chaque combinaison correspond un profil d’âme de relation assez riche que nous ne pouvons développer totalement ici. Réservons pour une future étude l’écriture d’un lexique détaillé permettant d’interpréter chaque couple planétaire. La plupart du temps, les paires retenues dans les exemples n’impliquent que le septénaire traditionnel que nous considérons comme la base des images astrologiques.

J’ai sélectionné parmi mes études quelques exemples que j’ai trouvé inspirants :

Sartre et de Beauvoir.

Soleil/Soleil, Vénus/Mercure, Vénus/Vénus, mais aussi…  Mercure/Pluton. La paire solaire montre bien la rivalité, la confrontation, mais la paire vénusienne la proximité fraternelle des âmes, alors que Venus/Mercure souligne la dimension philosophique et esthétique de la relation. Quant à Mercure/Pluton, il montre
bien l’opportunité de l’approfondissement de la pensée.

Pierre et Marie Curie.

Soleil/Soleil, Soleil/Lune, et bien sûr Mercure/Saturne, Mercure/Mars, Mercure/Vénus. Même confrontation solaire pour ce couple intellectuel.  A noter l’importance des paires impliquant Mercure par trois fois avec Saturne, Mars, et Vénus.

Pierre Bergé et Yves St Laurent.

Soleil/Lune, Saturne/Soleil, Soleil/Mars, Lune/Jupiter, Mars/Jupiter. Noter ici la fréquence du Soleil mais aussi de Mars. Les deux compères font aussi oeuvre commune et travaillent ensemble.
Sigmund Freud et Carl-G. Jung. Soleil/Lune, Mars/Soleil. Ici les images montrent à la fois la confrontation (Sol/Mar) et la complémentarité (Sol/Lun), verdict intéressant car on a souvent tendance à les opposer.

Maurice Béjart et Jorge Donn.

      

Mercure/Mars, Vénus/Vénus, Lune/Mars, Jupiter/Mars.  Forte implication de Mars, il s’agit quand même du corps et de la danse, mais il y a aussi une dimension vénusienne, signifiant sans doute complicité, mais aussi risque de blessure par Mars/Lune. La façon dont Béjart témoigne des mécanismes de sa créativité et les faits, confirment bien ces combinaisons planétaires.

    

Fidel Castro et Ernesto « Che » Guevara.

Lune/Mars, Mercure/Jupiter, Mercure/Mars.  Idem que ci-dessus complicité et blessure potentielle. Lune/Mars implique toujours une certaine intensité relationnelle. Mars/Mercure, on fait les mauvais coups ensemble, ou on se brouille, Mercure/Jupiter, projet politique.

   

Cette méthode pourrait se montrer utile aussi en astrologie mondiale, témoin cet exemple : le thème du Roi Baudouin et du Royaume de Belgique. Cet exemple devrait se montrer particulièrement parlant puisque le règne de ce roi fut « mythologisé » par les Belges.
Roi Baudouin et la Belgique.

         

Saturne/Vénus, Lune/Vénus, mais aussi…  Mercure/Uranus. Vénus/Saturne, montre l’image d’un roi bien aimé et austère, engagé dans la durée et dans la fidélité à sa tâche. Lune/Vénus semble expliquer que son amour du pays paraît réciproque dans l’âme collective. Uranus/Mercure, promotion de la recherche, oeuvres humanitaires, recherches intellectuelles, etc. Il y aurait bien entendu plus à en dire…

   
Tandis que l’actuel Roi Albert et la Belgique. Lune/Jupiter, Lune/Saturne, Mars/Saturne, et … Lune/Uranus, Mercure/Pluton. Outre l’ambivalence au niveau de la façon dont il est perçu collectivement (Lune avec Saturne et Jupiter), il y a l’ombre de la scission (Lune/Uranus et Mars/Saturne) et des dissensions linguistiques et
communautaires (Mercure/Pluton).

          

Conclusion
La plupart des approches en synastrie révèlent efficacement les modes de fonctionnement des partenaires impliqués. Cependant, lorsqu’il est question de faire évoluer notre compréhension de la relation en investiguant la dimension du sens, ces outils pourraient se montrer partiels. La méthode des aspects exacts pour la constitution
d’un portrait construit du point de vue de la relation, et pas uniquement des partenaires, pourrait s’avérer utile dans la pratique astrologique. Cette méthode nécessite forcément de changer de point de vue sur la relation, et de rectifier l’image que nous en avons, mais pourrait également s’avérer féconde en intuition du sens.

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1 Les nombres en parenthèses renvoient aux ouvrages cités en bibliographie.
2 Dans son manifeste, « Archetypal Psychology, a brief account» (5), Hillman situe ce mouvement comme la troisième génération après Jung, et insiste sur le fait qu’il s’est constitué pour donner à l’analyse une  perspective non médicale.
 3 A noter que la méthode des aspects mutuels aux mi-points ou du thème composite relève de cette
approche. Il s’agit toujours de mesurer les écarts angulaires entre les différents facteurs astrologiques et
d’en tirer des conclusions. Quant à la méthode du thème spatio-temporel, j’avoue mes limites et ne pas savoir encore dans quelle catégorie la situer.

4 Pour une approche basée sur l’astrologie traditionnelle, voir les travaux de Denis Labouré (8). Pour ce
qui consiste à considérer les aspects du point de vue du nombre en soi, voir les travaux de John Addey (1)
sur les harmoniques.

 

 

 

 

Bibliographie
(1) Addey John, «Harmonics in astrology », The Urania Trust, 1996.
(2) Bonardel Françoise, « La voie hermétique », Ed. Dervy, 2002.
(3) Fowden Garth, « Hermès l’Egyptien », Les Belles Lettres, 2000.
(4) Gouiran et Mercier, « Astrologie des trajectoires de vie », Ed. du Rocher, 1998.
(5) Hillman James, « Archetypal psychology. A brief account. », Spring Pub., Woodstock,
Connecticut, 1983.
(6) Hillman James, « Interviews », Harper and Row, 1983.
(7) Hillman James, « La beauté de Psyché », Ed. Le Jour, 1993.
(8) Hillman James, « Le mythe de la psychanalyse », Rivages poches 554, 2006.
(9) Labouré Denis, « Cours pratique d’astrologie », Ed. Le chariot d’or, 2006.
(10) Maffesoli Michel, « Du nomadisme », Ed de la Table Ronde, 2006.

Données de naissance
Signoret, Simone, 25/03/1921, 2h30 GMT +1, Wiesbaden, 50N07 8E15.
Montand, Yves, 13/10/1921, 23h12GMT, Monsumano, 43N53 11E00.
Bergé, Pierre, 14/11/1930, 10h30 GMT, St Pierre d’Oléron, 45N57 1W19.
St Laurent, Yves, 1/08/1936, 19h45 GMT, Oran, 35N41 00W38.
Guevara, Ernesto Che, 14/06/1928, 03h05 GMT-4h, Rosario, 32S57 60W39.
Castro, Fidel, 13/08/1927, 2h00 GMT-4h, Mayari, 22N40 83W01.
de Beauvoir, Simone, 09/01/1908 4h30 GMT +9’20 Paris VI.
Sartre, Jean Paul, 21/06/1905 18h45 GMT +9’20 Paris XVI.
Donn, Jorge, 25/02/1947, 17h45 GMT-3h, Buenos Aires, 34S40 58W30.
Béjart, Maurice, 01/10/1927, 18h00 GMT, Marseille, 43N18 5E24.
Curie, Marie, 07/11/1867, 8h00 GMT+1h24’, Varsovie, 52N14 21E00.
Curie, Pierre, 05/05/1859, 2h00 GMT +9’16’, Paris.
Jung, Carl Gustav (selon Gret Jung), 26/07/1875, 18h58 GMT, Kesswill 47N36 9E20.
Freud, Sigmund, 06/05/1856, 18h30 GMT+53’20, Freiberg/Moravie 50N55 13E20.
Baudouin 1er de Belgique, 07/09/1930, 15h25 GMT, Laeken 50N51 4E21.
Albert II de Belgique, 06/06/1934, 23h35 GMT+1, Laeken 50N51 4E21.
Royaume de Belgique, 18/11/1830, 15h06 GMT, Bruxelles, 50N51 4E21